Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

NZ 23, Martin, Néo zélandais, fils d'immigré Irlandais...

NZ 23,

 

Martin, Néo zélandais, fils d’immigré Irlandais…

 

 

 

Portrait.

 

 

 

 

Février 1979, aéroport « Anouar el Sadate », Le Caire…

 

Je n’ai plus de souvenirs précis, ni du temps, ni du moment de la journée, mais il me semble que le trajet de l’aéroport au centre ville me parut interminable.

 

 

Un autobus antique probablement, un peu déglingué, à l’image de la plus grande ville d’Afrique dans la quelle je mettais les pieds pour la première fois, nous conduisit sur une place populeuse ceinturée d’immeubles couleur de sable où s’entassaient des bus…

 

 

À la gare routière, un vieil arabe, le visage parcheminé, hucha sur les quelques « routards » qui traînaient leurs sacs dans une ville du Caire déjà bouillonnante et poussiéreuse.

 

Le rabatteur  coiffait une casquette d’officier de marine Anglaise et sa veste blanche à boutons dorés arborait des galons.

 

 

« Accomodation sir…cheap accomodation…follow me…! »

 

 

Je ne m’en souviens plus, mais Martin  prétend que nous l’avions suivi sans négocier le prix.

 

 

À l’époque comme beaucoup de jeunes, je portais la barbe et j’avais les cheveux assez longs bouclant sur les oreilles…

 

Martin me dira plus tard : «… je pensais que t’étais juif ! »

 

 

Il se ravisa peu de temps après, estimant qu’un jeune « juif d’Israël » au cœur de la capitale Égyptienne en 1979 n’avait pas de sens!

 

 

Martin entretenait la conversation avec le « loueur » dans un Anglais que je soupçonnais venir de l’Amérique, et me dit :

 

« c’est incroyable ! Ce gars là connait le Taranaki !! », et ajouta, « C’est loin…je viens de la Nouvelle Zélande! »

 

 

Durant la seconde guerre mondiale, le vieux soldat Egyptien avait combattu dans la « Royal Navy » aux côtés de marins Néo zélandais engagés sur le même front.

 

 

Pour cette première nuit moite au Caire, Martin et moi avons partagé la même chambre, nous économisions nos sous!

 

Immédiatement le Néo zélandais me plut ; J’aimais son humour, sa retenue, son côté exotique, sa curiosité et la subtile façon qu’il avait de critiquer les Anglais!

 

Lui, appréciait ma « débrouillardise » très Française, mon accent et mes fautes d’Anglais qui le faisaient marrer!

 

 

J’avais quelques combines, héritées sans doute de rencontres épistolaires mais suffisantes pour partager les bons coups!

 

En quittant notre chambre minable et bon marché, je demandais à Martin de vêtir sa plus belle chemise et de s’habiller comme un « Anglais », car nous allions investir le « Sheraton » sur les bords du Nil.

 

 

 

 

 

Mon culot devait l’étonner…

 

Il fut encore plus surpris lorsque le buffet de victuailles qui s’étalait dans la vaste salle  du rez-de- chaussé de l’hôtel s’offrit à nous pour une poignée de « pounds ».

 

Un prix négligeable pour un  breakfast somptueux!

 

Nous nous gavions plus qu’il en n’aurait fallu, et souvent ce « continental breakfast » était le seul repas de la journée…

 

En quittant les agapes à 11 heures, clôture du buffet, quelques œufs durs gonflaient discrètement nos poches.

 

 

À cette époque, le restaurant du « Sheraton » était ouvert à tous les occidentaux sans obligation de résidence…

 

Les matins suivants je n’eus pas besoin de rappeler au Kiwi d’enfiler une chemise blanche.

 

Martin avait fait un « stop » en Australie,  arrivait de Ceylan, (Sri Lanka maintenant), il me raconta l’Océan Indien, les plages, les épices …

 

 

J’avais quelques expériences de voyage, je lui parlais du Liban, de la Syrie confidentielle à l’époque, de Pétra et du désert de Jordanie, de la mer Rouge et de la Bretagne…

 

 

Après l’épisode du « Sheraton » et des œufs durs oubliés dans nos poches, Martin fut convaincu que nous pouvions faire un bon tandem pour descendre  le Nil jusqu’à Assouan.

 

C’est ce qu’on fit durant un mois et demi, sous un soleil brûlant des Pyramides aux portes du Soudan.

 

Au fil des nonchalantes journées passées sur la felouk qui lentement remontait le Nil, le kiwi me devint familier, nous apprenions à nous connaitre ;

 

 

 

 

Martin améliorait l’apprentissage de mon « anglais », je l’entretenais en Français.

 

 

Cette parenthèse Égyptienne scella notre amitié, nous nous entendions comme des larrons en foire!

 

 

L’étudiant venait d’achever son université à Wellington et voyageait pour faire ses « humanités »…

 

Martin était dans son « overseas experience » en route pour l’Europe et ses racines Irlandaises.

 

Quelques semaines plus tard il débarqua à Paris, Marie et moi l’accueillirent avec bonheur!

 

 

Fils d’immigré Irlandais :

 

Martin est né en 1955 dans un village près de New Plymouth dominé par  le mont enneigé du Taranaki : « Ici l’herbe verte pousse 12 mois sur 12… »

 

 

 

 

 

C’est une région d’élevage aux fertiles terres noires volcaniques.

 

La météo de la côte ouest de l’île du Nord est changeante, il y pleut souvent, les vaches s’y plaisent…

 

Les grandes fermes d’élevage laitier sont nombreuses, l’herbe est grasse.

 

Le père de Martin quitte une Irlande pauvre et humide pour le Taranaki humide et riche : il est vétérinaire, le travail ne manque pas.

 

L'Irlandais mariera une Néo zélandaise attachée à son archipel. Le couple fera quatre enfants, Martin est l’aîné.

 

 

Pour une raison que Martin ignore, le père décide le retour de la famille en Irlande.

 

La maman, Néo zélandaise, ne s’adapte pas, souffre de l’éloignement de son île…

 

Marguerite la troisième et dernière fille verra le jour en Irlande.

 

À nouveau la famille prendra le bateau pour revenir dans l’hémisphère Sud ;

 

Six semaines de traversée, Martin est gamin mais se souvient du visage apaisé de sa maman de retour au pays!

 

Les enfants grandissent, Martin a treize ans quand son Irlandais de père décide de leur dire « au revoir »…

 

Le suicide du papa reste une énigme pour les gamins.

 

La maman ne s’en remettra jamais vraiment,  peu loquace de nature, elle se refermera encore plus…

 

Jusqu’à la fin de sa vie les cachetons accompagneront son désarroi.

 

 

Martin devient adulte plus vite que prévu, il veillera sur ses sœurs auxquelles il est très attaché.

 

Les trois sœurs le lui rendent bien.

 

Il rejoint l’université de Wellington comme pensionnaire et ne rentre qu’aux vacances dans son Taranaki natal qu’il aime tant!

 

Mary, Claire et Marguerite sont fières de leur frère étudiant!

 

Il étudie l’économie et le droit, rencontre Gérard* et deviendront amis.

 

Un de leur prof, brillant, leur ouvre une fenêtre sur un monde occidental en pleine mutation ; Il demande à ses étudiants d’aller voir ailleurs, de bouger…

 

Plus tard cet économiste deviendra Premier Ministre du pays…

 

Après son parcours « overseas » qu’il pense terminé, Martin décrochera grâce à un ami un boulot en Norvège dans une usine de traitement du bois…

 

Le travail est dur, mais il rentre au pays avec de la monnaie.

 

Entre temps il se sera initié aux rudiments de la langue Norvégienne.

 

De retour en Nouvelle Zélande en 1980, il est décidé à faire ses adieux à sa famille pour tenter l’aventure « ailleurs », il ne sait pas où, mais « là où on respire ! » dit-il.

 

 

 

1981 est un tournant dans l’histoire du pays avec la venue de l'équipe Nationale de rugby Sud-Africaine.

 

Le « Springboks Tour » sera le pétard qui enflammera les grandes villes habituellement endormies  de l’archipel :

 

 

 

 «La vraie question était la nature même de la Nouvelle-Zélande, notre bon vieux pays de joueurs de rugby buveurs de bière était en guerre avec ‘’l’autre’’ Nouvelle-Zélande, celle des livres, du vin et des discussions sérieuses.

 

 

 

Personne n’a gagné mais la lutte – avec de vraies batailles de rue, opposant

un nombre incroyable de gens – fut chaude et parfois terrifiante.»

 

 

Propos de C.K. Stead, poète et critique littéraire Néo Zélandais.

 

 

 

 

 

Durant dix semaines, le pays vivra un vrai traumatisme, la politique s’emparant du sport national, le rugby!

 

 

En plein « apartheid » les joueurs Sud Africains, tous blancs, prévus dans un circuit pour disputer une quinzaine de matchs, se heurtent à un public Néo zélandais hostile à leur venue…

 

 

La presse Sud Africaine s’en mêle et scandalise encore plus les kiwis « progressistes ».

 

Les écrits nauséeux du journaliste Sud Africain Charles Blackett sont reproduits dans la presse Néo Zélandaise :

 


 « C’était déjà assez fâcheux d’être obligé de jouer contre une équipe officiellement désignée ‘’New Zealand Natives’’, mais le spectacle de milliers de blancs encourageant frénétiquement une bande d’hommes de couleur pour qu’ils battent des représentants de leur propre race était trop pour les Springboks qui étaient franchement dégoûtés.»

 

 

 

La tension monte chez les kiwis, pour la première fois dans le pays, un match de rugby se déroule à Christchurch derrière des barbelés !!

 

 

Graham Mourie, le capitaine des « Blacks » refuse de jouer contre les Sud-Africains, le pays tout entier s’enflamme.

 

 

 

 

 

 

 

De violents incidents surviennent dans les stades et dans les villes qui « accueillent » les test-matchs ;

 

Martin et Gérard, comme la plupart des étudiants, font le coup de poing dans les manifs…

 

 

Derrière le Rugby et la question raciale du régime de Capetown, se pose le défi des véritables réformes de la société en Nouvelle Zélande.

 

 

1981 est aussi l’année des élections  dans le pays, le gouvernement en place ne survivra pas à la controverse, les réformateurs prennent le pouvoir, le pays va changer.

 

 

Les manifs rassemblent les étudiants de tout bord et cimentent une jeunesse qui veut vivre différemment.

 

Dans une soirée, Martin fera la connaissance d’une jeune étudiante qui vient de l’île du Sud, de la région « rustique » de Dunedin.

 

Elle n’est pas conviée à cette « party », mais c’est la seule jeune fille d’un petit groupe qui dispose d’une voiture permettant de rentrer à une heure décente. Elle se prénomme June.

 

 

Plus tard June dira :

 

« Ce soir là, si  mes copines n’avaient pas eu besoin de voiture je n’aurais pas rencontré Martin…je ne lui aurais  pas fais deux enfants… »

 

 

 

 

Martin envisage de nouveau son avenir dans son île ; formé à l’économie et au droit, les passerelles sont nombreuses :

 

Pas vraiment destiné à la gestion financière il intégrera à Auckland le groupe « Goldman et Sachs » durant plusieurs années.

 

 

Il ne sent pas très bien dans cette banque qui ne cultive guère l’ « éthique » à ses yeux…

 

Cependant il se formera au métier de « Broker » et rejoindra plus tard la société « Craigs investment partners » à Auckland.

 

 

Il se plait à dire « I’m not a trader…I’m a broker, it’s different ! »

 

 

Martin place l’argent des particuliers sur le marché mondial à long terme, « sans grosses prises de risque » dit-il… 

 

« pour faire ce métier » ajoute-il, «Il faut un peu de bouteille et des cheveux qui grisonnent…avec l’âge on a les nerfs plus solides !! »

 

 

 

 

June s’est fait une place dans la vente publicitaire, elle occupe maintenant un poste important dans  le groupe Français « Publicis » qui vend des spots sur la télévision nationale.

 

« Capter le client devient plus  difficile » dit elle, les annonceurs sont réticents au regard de la « pauvreté » des programmes télévisuels misérables qui accrochent de moins en moins le spectateur…

 

 

June pense à la retraite et aimerait davantage profiter de leur maison de campagne à Ahipara au nord de l’île en bord de plage.

 

 

 

 

 

 

Leurs deux enfants ont quitté la maison, Rose poursuit ses études de commerce international à Wellington et Thomas s’apprête à tenter l’aventure en Australie…

 

 

Martin pense travailler encore quelques années en réduisant la voilure…

 

Il aime son métier, passe de temps en temps à la télé sur « Channel one » pour dispenser des conseils aux épargnants…

 

Ces jours là Martin soigne son look, car dit-il, «  à la télé on te regarde plus que l’on t’écoute…mais c’est bon pour le groupe, on voit la marque, comme au Tour de France! »

 

 

 

 

 

 

Chez June et Martin, si on continue à boire la bonne  bière de Nouvelle Zélande, on n’ignore pas le vin…

 

Martin aime les « Côtes du Rhône » et les Chardonnay de Bourgogne…Tous les deux aiment la France…

 

Martin continue de critiquer gentiment les « sujets de sa Majesté », il les adore quand les « Blacks » leur mettent une pilée au rugby et  admire la France, cette nation du ballon ovale qui a l’élégance de perdre d’un seul petit point la dernière finale face aux « Blacks : 

 

 

« On a eu chaud, on a fêté ça pendant longtemps ! » dit il.

 

 

 

 

June aime à parcourir son pays en randonnée, c’est une bonne marcheuse ; Martin  préfère le golf très populaire et accessible ici.

 

Les « golf courses » sont nombreux et de toute beauté, souvent nichés dans un environnement magnifique.

 

En 2010 nous avons passé une semaine à Paris avec Martin et June, puis les Néo zélandais sont venus en Bretagne à la découverte des Côtes d’Armor…

 

Une tournée en Provence achevait leur séjour en France…

 

ils reviendront en France et en Bretagne «...il y a tant à voir, tant à découvrir.. » disent- ils.

 

De la Nouvelle Zélande, nous n’en pensons pas moins!

 

 

 

 

* Voir NZ 22, portrait de Gérard  fils d'immigré Hollandais.


Lien ci-dessous :

 

NZ 22, Gérard, Néo zélandais, fils d'immigré Hollandais...

 

 

 



04/06/2013
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