Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Malawi 2, Quatre jours à Nkotakota.

Malawi 2

 

Quatre jours à Nkotakota.

 

 Les levers de soleil sur le lac sont magiques : face à notre hutte en dur, couverte en chaume, les côtes du Mozambique apparaissent baignées d’une vapeur orangée ; d’ici peu la  lumière blanche précédant les brumes de chaleur effaceront les montagnes de l’horizon, le lac Malawi deviendra alors un océan.

 

Lorsque le vent du Sud-Ouest se met à souffler en rafale, la surface du lac ondule, puis la houle se forme…c’est comme si nous étions en bord de mer.

 

En 1861, lors de son expédition  dans le « Dark Continent », Livingstone devint probablement le premier Européen à atteindre Nkotakota.

 

Il en fait une description dantesque : « un lieu de désolation sanguinaire et sans loi, littéralement couvert d’os humains et de corps en putréfaction… »  

 

C’est en 1840 que la traite des Noirs débute dans la région sous la férule de Jumbe Salim bin Abdullah, puissant  Sultan de l’ile de Zanzibar. Jumbe est un influant esclavagiste, issu d’une descendance Arabo/Africaine, qui installera une dynastie Islamiste sur le littoral Est du lac Malawi, précisément à Nkotakota.

 

Durant des décennies, Nkotakota servit de « port de triage » pour les esclaves  destinés à être vendus sur les grands marchés de l’océan Indien.

 

Que reste-il de cette sombre période ?

 

Tout d’abord les mosquées et la tradition Islamiste qui demeure importante dans une grande partie des  régions reculées du lac.

Alors que le pays reste majoritairement Chrétien (80%), l’Islam est  très ancré dans les villages de pêcheurs  et a tendance à se développer de nouveau : Noël, l’enseignant que nous avons rencontré, évoquera son inquiétude face à la montée en puissance des madrasas qui enseignent le Coran.

 

Encore une fois, sous le poids des traditions et des chefs coutumiers, les familles sont fières lorsque leurs enfants récitent par cœur les versets du Coran.

Aucune autre ouverture n’est proposée aux gamins fréquentant les madrasas…

 

visiblement on entretient l’ignorance, en particulier chez les filles qui, moins elles vont à l’école, mieux la tradition est respectée!

 

La communauté Musulmane n’a guère appréciée la venue au pouvoir de Joyce Banda…une femme!

 

Les changements de comportements que tente la nouvelle Présidente irritent pour le moins les traditionnalistes, Chrétiens et Musulmans…

Une proposition de loi visant à dépénaliser l’homosexualité  vient d’être ajournée…Joyce Banda veut aller vite…trop vite peut-être!

 

Camille nous parlera aussi des écobuages non maitrisés qui incendient les collines : la population augmente et les besoins aussi!

Comme la cuisine se fait quasi exclusivement  sur charbon de bois, il faut sans cesse  trouver des nouvelles  ressources à proximité des villages.

 

Certaines zones sont supposées protégées, mais les pêcheurs n’hésitent pas à mettre le feu aux collines pour ensuite débiter plus facilement les troncs calcinés et en faire du charbon.

 

« C’est le manque d’éducation »  nous dit Camille… « Ici les Anglais ne leur ont  pas appris grand-chose ! » ajoute le Congolais.

 

 « …il faut tout leur dire et les diriger… sinon ça ne marche pas ! » renchérit Camille en suivant du regard  Stanley et  Charles, qui débutent leur journée en balayant les feuilles d’eucalyptus  jonchant  le sable devant le lodge.

 

« Fish eagle bay » est un lodge construit avec gout, c’est simple mais bien pensé. Parfaitement intégré dans l’environnement, il offre une vue magnifique sur le lac et les plages.

 

 C’est un couple de Français originaire de La Rochelle qui a monté l’affaire. Jean Paul et Brigitte ont jeté l’éponge il y a  de ça 4 à 5 ans…ils ont vendu à des Sud-Africains;

 

Camille gère le lodge en l’absence des propriétaires qui habitent Cape Town… «  Les Sud Afs, les Blancs…tu sais… ils ont peur des Noirs…alors ils préfèrent que ce soit un Noir comme moi qui pilote ! »

 

«  Jean Paul avait le sang chaud » nous dit Camille, qui déjà à l’époque travaillait pour le couple Français.

 

 A priori les Charentais étaient animés d’un côté idéaliste voulant apporter des améliorations au village. Ainsi, lors de ses déplacements en ville, Jean Paul avec son pick up faisait le taxi en échange d’une somme dérisoire…

Sa générosité ne l’a pas récompensé, car les familles du village en ont voulu d’avantage…Elles ne voulaient plus payer!

 

Par la suite, les pêcheurs ont demandé de la nourriture, du gas oil… et enfin de l’argent.

 

 Les Français voulaient mettre en œuvre un système d’ambulance pour rallier la ville au plus vite en cas de nécessité. Le projet semblait bien avancé quand les choses se sont gâtées…

 

N’acceptant pas les nouvelles exigences des villageois, Jean Paul a été accusé de pratiques illégales de « taxi » non déclaré ; on a contesté la  validité de ses titres de propriétés.

 

 Les menaces ont été de jour en jour de plus en plus pressantes, jusqu’au moment  où la protection de ses enfants et de son épouse devînt urgente et nécessaire : le chef coutumier appelant clairement à son assassinat.

 

Le Quai d’Orsay s’en est mêlé à temps, la presse Nationale du pays s’en est largement fait écho…

 

le Malawi vendu par les guides touristiques comme le pays le plus cool de l’Afrique était devenu soudainement un enfer pour ces Français…

Et Camille de conclure :

« Il fallait ouvrir le ventre du boa,.. . Mais  Jean Paul, …il devait partir, pourtant il avait beaucoup donné ici ! »  

   

 

 

 



06/11/2012
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