Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Laos 5, complément ,copie article de presse

 

                                    

MÉKONG • La vie n’est plus un long fleuve tranquille

Courrier International et "Le Monde.fr" (Janvier 2010)

 

Les projets de barrages se multiplient sur le Mékong. Le développement économique compromet l’avenir des pêcheurs et de la vie traditionnelle le long des rives, comme le rapporte le New York Times.

 

Des paniers de poissons, des villageois qui se baignent, un marché de produits de la jungle : tels sont les souvenirs d’enfance que Pornlert Prompanya conserve du fleuve sauvage qu’était alors le Mékong.

Aujourd’hui, cet homme de 32 ans organise des croisières pour les touristes sur un Mékong qui offre un spectacle totalement différent : à Sop Ruak, à la frontière avec la Thaïlande et le Myanmar, un casino flambant neuf surmonté d’un dôme doré accueille les flambeurs descendus de leur limousine.

Le fleuve connaît une rapide métamorphose, du fait de la croissance économique, des besoins de la région en électricité et du transport des marchandises. Même s’il a été épargné par la pollution qui gangrène beaucoup d’autres fleuves d’Asie, le Mékong n’est plus le cours d’eau tranquille qu’il était il y a plusieurs siècles.

La Chine a déjà construit trois barrages, et le quatrième, en cours de réalisation, sera le plus haut du monde.

Le Laos projette de construire sur le Mékong et ses affluents un si grand nombre de barrages hydroélectriques – soixante-dix projets, dont sept ont déjà été menés à bien – que les autorités parlent de faire du pays la “pile de l’Asie”.

Enfin, le Cambodge prévoit de construire deux barrages. Le rêve des colons français d’utiliser le fleuve comme une porte d’entrée vers la Chine est en partie réalisé : après le dynamitage par des ingénieurs chinois d’une série de rapides et de rochers au début des années 2000, le commerce fluvial entre la Chine et la Thaïlande a augmenté de près de 50 %.

 

Les écologistes craignent que ces projets anéantissent les sources de revenus des habitants qui vivent du Mékong depuis des siècles. Les aspects les plus controversés des barrages sont leurs effets sur les poissons migrants et la riziculture dans le delta, au Vietnam, où sont concentrées plus de la moitié des cultures du pays.

 

L’agriculture du delta est en effet tributaire du limon, riche en éléments nutritifs, que les barrages chinois retiennent.

Selon des spécialistes, les nouveaux barrages bloqueront une proportion encore plus importante du limon ainsi que de nombreuses variétés de poissons, nuisant à une activité piscicole que la Commission du Mékong, un organe consultatif créé en 1995 par les gouvernements du Cambodge, du Laos, de la Thaïlande et du Vietnam, estime à 2 milliards de dollars.

 

Selon une étude réalisée en 2006, parmi les centaines d’espèces de poissons qui peuplent le fleuve, 87 % sont migrants.

La multiplication des barrages sur le Mékong pourrait engendrer un conflit international

“Les barrages posent d’énormes problèmes aux 60 millions de personnes qui vivent dans le bassin du Mékong”, souligne Milton Osborne, chercheur invité à l’Institut Lowy pour la politique internationale, à Sydney, et auteur de plusieurs ouvrages sur le Mékong.

 

“Les gens sont fortement tributaires du fleuve.” Selon certains analystes, la multiplication des barrages sur le Mékong pourrait engendrer un conflit international. Des mouvements de citoyens thaïlandais sont mécontents de l’indifférence apparente de la Chine aux conséquences de ses travaux pour les populations qui vivent en aval.

Ni la Chine, ni le Myanmar – les deux pays situés les plus en amont – ne sont membres de la Commission du Mékong, ce qui les dispense de l’obligation de consulter d’autres pays sur des questions comme la construction de barrages et le partage de l’eau.

 

Et pourtant, pour l’heure, les barrages ne sont un sujet de préoccupation nationale dans aucun des pays traversés par le fleuve.

Ils n’ont donné lieu à aucun grand mouvement de protestation, et pour beaucoup de peuples de la région ils sont même symbole de progrès.

Le développement du Mékong est également l’expression d’une Asie nouvelle, enfin débarrassée des conflits idéologiques paralysants.

 

Pour Pornlert Prompanya, dont le village d’enfance est devenu une ville accueillant les touristes dans des hôtels et des restaurants de luxe, les aspects négatifs semblent néanmoins l’emporter sur les positifs.

 

Le fleuve, dit-il, se comporte de façon imprévisible, il est devenu plus difficile de prendre du poisson et il n’est pas agréable de se baigner, car le cours d’eau est “trop sale et trop pollué”.

 

“Autrefois, le niveau de l’eau variait suivant les saisons”, ajoute-t-il. “Aujourd’hui, il dépend de la quantité d’eau dont la Chine a besoin.”

 

Repères:

 

Le Mékong parcourt près de 4 900 kilomètres à travers l’Asie du Sud-Est. Il prend sa source sur les hauteurs de l’Himalaya puis arrose le sud de la Chine, le Myanmar, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Vietnam avant de se jeter dans la mer de Chine méridionale.

 

Depuis la construction du premier barrage chinois, beaucoup d’espèces sont en voie d’extinction, comme le dauphin et le lamantin du Mékong, le niveau du fleuve a baissé, les poissons pêchés sont plus petits et moins nombreux.

 

Des courants trop forts se forment à certains endroits à cause de la destruction de rochers, de bancs de sable et de gorges.

 

Le Cambodge est le pays le plus dépendant des courants et des inondations : on y craint des famines. Toutes les grandes villes du Laos sont sur le fleuve, ainsi que la principale ville du Vietnam, Hô Chi Minh-Ville, menacée par l’insuffisance du courant et la pollution.

 



27/01/2013
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