Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Cuba 4, Sous les pavés de Trinidad...lumière et misère.

Cuba 4,

 

 

 

Sous les pavés de Trinidad… lumière et misère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Pas besoin d'être sorcière pour deviner que j'allais tomber amoureuse, pas seulement parce que je passais ma vie à tomber amoureuse, une vraie maladie, mais parce que je traversais un désert de solitude, à cause de ces compagnies éphémères, et que j'avais besoin de quelqu'un d'intelligent, d'énigmatique.

 

 

J'avais besoin du big love, de mourir d'amour, de vivre d'amour, de me défoncer.

 

 

D'un type qui me fasse craquer, et réciproquement.

 

 

De craquer à deux.»

 

 

 

 

Zoé Valdés. « Le néant quotidien » (Extrait)

 

 

 

 

 

 Alors, comme Zoé Valdés à la recherche de l’amour, peut-on tomber amoureux et craquer pour la ville vedette de la province de Sancti Spiritus ?

 

...Ou peut-on, tout aussi vite, se fatiguer de Trinidad et de son sublime héritage colonial ?

 

 

Impression d’être à Locronan ou à Sarlat.

 

 

 Comme ces beaux villages de France, Trinidad  gère ses parkings  pour autobus, cultive l’image de musée en plein air, restaure de magnifiques demeures, canalise les asiatiques en rang deux par deux, multiplie les restaurants et les clichés touristiques.

 

 

 

On y fait même des crêpes!

 

 

 

Ici, sous le  soleil, Fidel (Y Raùl tambien !) a suggéré aux vieux Cubains, visages parcheminés sous des panamas, de se planter un cigare dans le bec (jamais allumé) et de guetter la venue des touristes près à dégainer le numérique !

 

 

 

Photo « authentique » pour quelques pesos !

 

 

 

À peine descendus du bus, sac sur le dos, chemise collante de sueur, il faut d’abord ignorer les rabatteurs (Jineteros) qui dans un foirail habituel veulent vous fourguer la « casa » la meilleure de la place !

 

 

 

Nous avons de la chance, nous sommes en basse saison, la pression est moindre et les prix sont négociables tant la concurrence est farouche.

 

 

 Trinidad, un gros « village », compterait plus de cinq cents hébergements chez l’habitant. Un véritable business  extrêmement lucratif.

 

 

Après avoir lorgné trois ou quatre « casas », on se pose dans une, accueil professionnel, sourire de rigueur, on sent les proprios rompus à ce genre d’exercice.

 

ça manque de chaleur et d’esprit familial, rien à voir avec  nos précédents hébergements, mais les affaires sont les affaires !

 

Côté prestations, rien à dire, tout est nickel.

 

 

Durant deux journées nous allons découvrir Trinidad et ses environs protégés au loin par les montagnes de la Sierra del Escambray.

 

 

 

Atmosphère de carte postale bien sûr, mais la magie opère et nous tombons rapidement sous le charme du fabuleux patrimoine colonial que la cité a su préserver.

 

 

À la lumière déclinante, le nuancier  chromatique des façades  s’enflamme, jeux d’ombres et de lumières sur les pavés cabossés, visages entrevus derrière les balustres de bois tourné, portes entrouvertes autorisant une curiosité sur des intérieurs enchanteurs .

 

 

 

Des  accords de guitares rythmés au son des maracas  nous conduisent vers une plazza  ombragée, une formation cubaine entame « Guantanamera ».

 

Bientôt un chapeau quêtera quelques pesos  à un public séduit.

 

 

Happés par le cœur de Trinidad, aimantés par les restaurants tendances, tourneboulés par les vendeurs de cigares, la plupart des touristes n’ont pas le temps de s’égarer vers les rues moins aseptisées de l’impeccable centre historique.

 

Pourtant, à l’abri des regards étrangers, là ou « Cubatour »  n’envoie guère flâner les touristes, existe bien une autre Trinidad, moins clinquante, moins lisse :

 

l’emmêlement des fils électriques ressurgit, les couleurs des modestes maisons sont moins vives, le pavé moins sûr, les trottoirs plus incertains, les déchets plus apparents ;

 

C’est une vie que l’on sent plus dure mais plus vraie.

 

 

Devant les maisons les chaises sont de sorties, on prend l’air, on joue aux dominos entre voisins, on tasse du rhum ou de l’ «aguardiente » dans des bouteilles plastiques.

 

C’est le moment d’astiquer les calèches pour servir les touristes qui demain débarqueront à nouveau, de prendre  soin des chevaux, de faire les lessives.

 

 

Quelques femmes  sollicitent discrètement  savon, shampoing et crayons. 

 

Une famille nous invitera à  partager un moment de recueillement pour une « Santeria », hommage à la déesse « Yémanà », vierge noire, à qui on offre pâtisseries fluo et bouteilles de rhum.

 

 

 

Comme la déesse en question est peu gourmande, c’est la famille est les voisins qui  le soir venu, s’enquillent  les offrandes !

 

 

Peut-on parler de misère ?  Pas sûr, il y a des conditions bien plus précaires certainement, mais derrière le vernis du centro historico, la pauvreté est bien présente.

 

 

Deux profils de Cubains se confrontent :

 

Ceux qui côtoient et commercent avec les touristes et les autres.

 

Magasins privés bien achalandés pour les uns et modestes boutiques d’Etat pour les autres.

 

 

Égalité pour tous a dit Fidel (Y Raùl también !), Viva la revolucion !, Ce beau principe chaque jour se fissure un peu plus au pays de la débrouille!

 

 

Le lendemain nous goûterons au chemin de fer local  pour une ballade dans la luxuriante vallée des « los Ingenios ».

 

Un vieux diesel tire deux antiques voitures de bois qui traînent les touristes à la découverte d’une vallée qui jadis fit la fortune des magnats du sucre de Trinidad.

 

La voie unique traverse une campagne verdoyante  constellée de palmiers  ombrageant des parcelles où pâturent vaches, chèvres et chevaux.

 

Quelques vieux ponts métalliques enjambent les rios venus de la sierra del Escambray  et courant vers la mer des Caraïbes toute proche.

 

En partie mangés par une végétation galopante, apparaissent des vestiges des sucreries et des quartiers réservés aux esclaves.

 

 

 

Quelques  splendides haciendas résistent au temps comme la superbe « Manaca Iznaga », dont le patron à l’époque fit construire une tour haute de 44 mètres pour mieux surveiller les dos noirs, ruisselants de sueur, courbés à trimer dans les champs de cannes.

 

 

De retour à la modeste gare de Trinidad, petit bâtiment sous tuiles, Osvaldo arpente toujours le quai.

 

 

Nous l’avons rencontré ce matin. Il repère les touristes, aime bien « los Francès » car il a une histoire à raconter ! 

 

Après 46 années occupées à conduire les trains de « los ferrocarriles de Cuba », Osvaldo commence à vieillir mais a toujours « bon pied, bon œil », enfin presque, parce qu’il se dit peiné par une cataracte envahissante.

 

 

 

Malgré tout, le vieux cheminot retraité conserve la forme.

 

Dans ses mains, un petit livret écorné que le temps fait souffrir, les photos jaunissent, les pages deviennent fragiles, mais Osvaldo détient là un trésor qu’il conserve précieusement.

 

 

Du doigt il m’indique une photo et me dit :

 

« tu conoces ? »…

 

J’ausculte l’image qui représente une vieille loco vapeur et quelques cheminots  entourant une femme qui n’a rien d’une Cubaine.

 

 

 Visage illuminé, tout sourire, Osvaldo avec une pointe de fierté m’annonce :

 

« Si…es Katarinadénova !»… Je ne saisis pas vraiment sur le coup.

 

 

Osvaldo m’explique que pendant le tournage du film « Terra Indigo » (1998 ?) c’est lui qui deux semaines durant conduisait le train avec à bord toute l’équipe encadrant « katarinadénova » :

 

Souvenir impérissable pour le vieux Cubain amoureux de la France!

 

 

...et peut être aussi de Catherine Deneuve !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Octobre 2015, año 57 de la révolucion…



05/11/2015
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