Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Cuba 10, Vinales, quand les "mogotes" font un tabac...

Vendredi 13 Novembre 2015.

 

 

 

 

 

Ocho Rios, côte nord de la Jamaïque.

 

 

 

17h 30 ici, 23H30 à Paris. Je prépare le diner.

 

Daphnée débarque dans la cuisine du backpaker, Québécoise de Montréal, smartphone à la main, et me dit :

 

 

« T’as du monde à Paris ?... Alain, va-ten chéker sur ton lap top, ys’ passe des vilaines choses la bas ! »

 

 

 

C’est de cette façon que nous apprendrons le drame qui se déroule dans la capitale.

 

Derrière moi, plage de sable blond, ciel bleu orangé annonçant la nuit tropicale, brise dans les cocotiers…

 

Si loin de l’enfer qui s’abat sur Paris et la France.

 

À tous ceux qui nous suivent dans nos « aventures » en mer des Caraïbes, j’aimerai que ces lectures vous apportent un peu de légèreté dans ce monde franchement devenu dingue, déroutant !

 

 

 

Un peu d’évasion au cœur d’une brutalité  meurtrière ! Un peu d’insouciance face à l’horreur…

 

 

Notre vagabondage peut paraitre bien futile au regard du cauchemar qui fait basculer  les vies et plonge tout un chacun dans le doute.

 

 

 

Je continue à poster les suites de notre voyage loin de chez nous, nous pensons à vous tous !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cuba 10,

 

 

 

 

 

 

 

Viñales,  quand les « mogotes » font un tabac.

 

 

 

« A Cuba il n'y avait pas d'écoles mais il y avait des millionnaires, maintenant il n'y a plus de millionnaires et les palaces sont transformés en collèges. (…)

 

 

« Les chachachas disent bien un peu partout dans le monde que les cubaines sont très belles, mais les chachachas sont au-dessous de la vérité!

 

Les cubaines existent en toutes les couleurs.

 

Les blanches ne sont jamais tout à fait claires ni les noires complètement foncées. »

 

Ania Francos, La fête cubaine. (Extrait)

 

 

 

 

La veille du départ de Santa Clara, Parque Vidal, nous trouvons un rabatteur :

 

Une voiture sera disponible  devant la « casa » à 7h30 assurant un trajet direct pour La Havane, au  même prix que le bus mais beaucoup plus tôt.

 

Du coup nous pouvons espérer être à Viñales  en après-midi évitant  ainsi une nuit inutile dans la capitale.

 

 L’engagement est tenu, pile poil à l’heure !

 

Nous partageons la Citroën Xantia avec une mamie élégante et une jeune Colombienne, médecin, venue en formation (immunologie) chez les toubibs Cubains.

 

 

Nous avalons les kilomètres de l’Autopista Nacional à 120/130, le chauffeur semble pressé et ne ralentit qu’aux points de contrôle.

 

 

Même schéma qu’à la maison, les automobilistes qui croisent annoncent la présence de la police sur la route.

 

Beaucoup de Cubains sur le bord, bras tendu, pesos à la main pour trouver un « covoiturage ».

 

 Vendeurs de fromages et légumes sur le terre-plein central. Attention, charrettes et calèches tirées par des chevaux à éviter !

 

 

On se fait déposer à la station de bus « Viazul » comme prévu.

 

Il est à peine onze heure, les portables s’affolent entre rabatteurs, une dizaine de minutes plus tard nous avons une proposition pour Viñales :

 

3cuc (3 Euros) de plus que le bus qui quitte La Havane à 14h00, c’est un bon plan.

 

 

 Alexis, 25 années dans l’uniforme bleu de la police, converti en taxi « oficial », on sait pourquoi, nous embarque dans sa « Lada » (ça c’est de la caisse !) et fonce  sur l’ « Autopista Habana-Pinar del Rio ».

 

Pas de soucis nous explique-t-il en se poilant, « je connais les patrouilleurs ! ».

 

 Sur le tableau de bord, quatre portraits de belles jeunes femmes brunes sur un même cliché, ce sont ses  filles nous explique-t-il.

 

Une à une, sur la photo un peu esquintée, il les embrasse, de gros bisous sonores et des « Mi amor, mi amor » en n’en plus finir !

 

 

 

Les deux ainées sont à Miami, mariées à des Americano Cubano…

 

 

 Ces deux-là, Félix ne les a pas vu depuis huit ans, il pleure presque, lâchant un instant le volant les deux mains sur le cœur, mais retrouve son sourire (et aussi le volant !), car dit-il, le téléphone et Internet  font des merveilles !

 

 

Les deux autres filles plus jeunes sont toujours à Cuba, l’une poursuit ses études  de Sciences Economiques et financières à l’université, l’autre a fait un bébé souvent confié  à l’épouse de Félix qui adore son rôle de grand-mère !

 

 

Sous un soleil étincelant, la route serpente dans la Sierra de los Organos pour venir se perdre dans la majestueuse  vallée de Viñales.

 

 

Passage obligé pour la plupart des touristes, le gros bourg de Viñales  a su vendre son paysage hors du commun dans une région bénie des Dieux pour la culture du tabac.

 

 

Un terroir qui produit les meilleures feuilles de tabac du monde pour rouler les meilleurs  puros de la planète.

 

 

Imaginons la verdoyante vallée de Viñales un moment inondée d’une mer bleue turquoise:

 

Seules les formations karstiques (mogotes), spectaculaires buttes végétalisées arrondies, émergent dans un paysage lacustre, ajoutons quelques jonques immobiles, flottantes  dans un parfait silence…

 

ça y est, vous y êtes, c’est la baie d’Halong version Cubaine!

 

 

Ici, pas de mer ni de jonque, mais des champs de tabac, patate douce, haricot noir.

 

Dans l’ombre des « mogotes »  s’abritent les séchoirs à tabac et les fermes traditionnelles.

 

 

 

Un beau coin de nature à Cuba, veiné de chemins de randonnée rendus boueux par les pluies récentes et le passage des cavaliers.

 

 

Les « guajiros », cow-boy Cubains, cigare en bouche, montent  des chevaux de petites taille.

 

Les touristes aussi, moyennant une (grosse) poignée de Cuc peuvent être en selle pour randonner dans la vallée.

 

 

Qui dit touristes dit business, et ici c’est particulièrement impressionnant !

 

Chaque maison pratiquement abrite une « Casa ».

 

Les propositions sont vastes et dans ce mois d’octobre où les plants de tabac commencent à peine à sortir de terre (la récolte s’effectue de mi-février à mars), le voyageur de passage n’a que l’embarras du choix !

 

Un prix plancher semble pourtant s’appliquer, aucun hébergement en dessous de 25 Cuc, desayuno non compris, alors il faut insister et faire marcher la concurrence.

 

 

Après une transaction de rigueur, Lila acceptera avec le sourire nos quatre nuits à 80 cuc, desayuno inclus.

 

C’est une bonne « casa », Lila a 51 ans, veuve depuis de nombreuses années, elle vit seule.

 

Son unique fille demeure à La Havane et travaille pour la télévision Cubaine.

 

Au fil de nos conversations, Lila nous apprendra beaucoup sur le système des  "casa " et sur l’impact du tourisme dans la société Cubaine.

 

Propriétaire d’une « casa », bien familial, et de plus gérante d’un petit négoce de souvenirs, jolie femme seule, Lila ne manqua pas de prétendants  au regard de sa situation.

 

 Mais les choses ne sont pas si simples nous dit-elle :

 

 

 

« …ce n’est pas facile de trouver le bon mari…Ici les hommes passent  la journée à guetter le touriste en buvant du rhum…

 

Beaucoup ne veulent plus travailler et donnent un mauvais exemple aux jeunes.

 

De plus en plus de jeunes délaissent les études pour faire guide ou rabatteur pour les tours opérateurs.

 

Ils ne sont pas tous comme ça, mais je préfère rester seule !»

 

 

Derrière ce constat  révélateur d’un certain malaise,  se profile tout un système bousculant les équilibres habituels :

 

Près de la casa de la cultura,  au centre du bourg, un immense « open bar » jouant musique à donfe, attire un grand nombre de jeunes et de moins jeunes, essentiellement des hommes.

 

Tous picolent des alcools forts et, trouvaille "géniale", c’est rarement du rhum mais…de la vodka cubaine moins cher et plus titrée en alcool.

 

 

Comment font-ils pour se payer les bouteilles ?

 

Les autobus garnis de touristes apportent la solution :

 

Cuba est une destination bien organisée pour le troisième âge, les papis et mamies débarquent des autobus et repartent chargés de « conneries » (il faut lire souvenirs !) comme les petits drapeaux cubains, les (faux) billets de banque datant de la révolution à l’effigie du Che, les cigares médiocres, les voitures miniatures (jolies) faites dans des boites de bière!

 

 

 

Tout cela a un prix, et les touristes (Français, Allemands, Canadiens, Russes…) ne rechignent pas à filer un billet de 10 cuc pour une poupée en plastique moulé représentant une cubaine fumeuse de cigare!

 

10 cuc, c’est presque la moitié d’un salaire  mensuel de travailleur à Cuba !

 

 

Produit incomplet du système révolutionnaire, ouvert sur le monde, cette jeunesse cubaine a bien compris la manne financière que représente le touriste !

 

Le décalage est vertigineux entre les paysans qui continuent de travailler la terre derrière des bœufs attelés et ceux qui négocient leurs services en  Cuc.

 

 

C’est au début des années 2000 que la dollarisation de l’activité économique explose et induit des effets pervers :

 

Inégalité entre travailleurs, incitation au marché noir, démotivation des salariés du secteur public.

 

 

Pour endiguer la dérive, Fidel (y Raùl tambien !)  supprime la circulation du dollar fin 2004 et institue le fameux Peso Convertible (Cuc) à parité égale avec le dollar US.

 

Les salaires sont revalorisés, mais sur le fond rien ne change, les travailleurs rémunérés en monedad nacional voient leur pouvoir d’achat s’effondrer.

 

 

Les Etats-Unis multiplient les opérations de déstabilisation, le loup capitaliste s’est infiltré dans la bergerie du socialisme, par la petite porte certainement, mais y est entré quand même !

 

 

Nous prendrons l’assistance d’un guide de randonnée le premier jour pour la découverte de la vallée.

 

On accédera à des passages, sentiers, grottes, qu’il aurait été difficile de trouver seuls, mais les jours suivants nous avons  arpenté les chemins par nous-même en nous renseignant sur la direction à prendre auprès des paysans, sans problème aucun.

 

(Valle del Silencio, valle del Palmarito, Mogote dos hermanas).

 

 

Il faut marcher tôt le matin, après 13h ce n’est guère possible, la chaleur  humide est  trop intense.

 

 

En soirée, pour la détente, mojito dans les innombrables bars et restaurants de la rue principale ou bières fraiches paisiblement installés dans les rocking chair sous le porche de la « casa » !

 

 

Le soleil s’efface derrière les mogotes, les bouteilles de vodka changent de mains, la musique s’emballe, les chiens errants rôdent  gentiment au pied des terrasses des restos.

 

 

Demain  des cohortes  de bus déverseront à Viñales  des bataillons de nouveaux touristes !

 

 

Normal, le site est splendide !

 

 

 Octobre 2015, año 57 de la révolucion !

 

 

 

 

 



14/11/2015
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