Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Une terre nourrie du sang versé...

 

"Nous possédons tous de naissance un puissant instinct grégaire qui peut pousser des êtres, parfaitement raisonnables par ailleurs, à commettre des actes inqualifiables. [...] des actes qu'ils n'auraient jamais envisagé de faire, s'ils ne s'étaient pas trouvés sous le regard bienveillant du groupe. [...] Si personne n'a le courage de rester à l'écart du groupe, si personne n'a la force intérieure de dire non, la masse commettra facilement des atrocités, dans le seul dessein de sauver les apparences."

Extrait du livre  "Un homme ordinaire" écrit par Paul Rusesabagina qui servira de scénario au film "Hôtel Rwanda".

 

 

Une terre nourrie du sang versé...

Le Rwanda, confetti  sur la carte Africaine, grand comme la Bretagne, totalise aujourd’hui vraisemblablement  11 millions d’habitants, une des plus fortes densités de la planète !

 

Ce petit pays, colonisé par les Belges, a connu de nombreux troubles au cours de son existence, jusqu’ à l’explosion d’avril 1994, qui fera du Rwanda le terrain du dernier génocide du XXème siècle.

 

Un génocide d’une grande efficacité, extrêmement rapide et peu couteux en moyens techniques !

 

 800000 morts selon l’ONU, un million selon d’autres sources ; cent jours d’enfer où  gourdins, machettes et armes à feu abreuveront de sang les collines de la « Suisse de l’Afrique »…

Pratiquement aucune famille n’a été épargnée par cette tragédie (1*).

 

Nous avions été mis en garde par les versions officielles (Quai d’Orsay, guides touristiques…) de ne pas tenter d’aborder ce sujet au près des Rwandais ; l’évocation des massacres passant pour au mieux une gaffe et au pire pour une offense !

 

 La mise en cause de la politique pour le moins ambigüe du gouvernement Juppé de l’époque, exfiltration des responsables génocidaires, corridor « humanitaire » facilitant la fuite des assassins vers le Congo...(2*) reste toujours aujourd’hui un élément de controverse  à Kigali comme à Paris; dans ces conditions, aborder la question Hutus/Tutsis serait donc inappropriée, surtout pour des ressortissants Français !

 

Dès notre arrivée au « Pays des Mille collines » force est de constater que les Rwandais  que nous rencontrons adorent parler français ! Ils le disent ! Au lendemain du génocide, la volonté du gouvernement de Paul Kagamé de faire du Rwanda un pays Anglophone, reste un vœu pieux…ça ne  marche pas ! À peine 20% de la population parlerait anglais… (3*)

 

 A l’évidence, trouver les enseignants  du jour au lendemain pour éduquer tout une jeune population à la langue de Shakespeare n’est pas une chose simple! C’est un constat d’échec cinglant pour un pays qui demeure profondément marqué par la culture francophone. Les villes ont également  été débaptisées,  mais tout le monde utilisent les noms historiques.

 

Notre deuxième surprise, c’est la grande liberté avec laquelle la génération 30/40 ans parle du drame Rwandais…Nous allons apprendre à les écouter et à tenter de comprendre l’incompréhensible…le sujet est complexe… saisir l’avant, le pendant et l’après génocide avec notre mode de réflexion  « hexagonale » n’est pas simple ! Un atout toutefois, nous parlons la même langue, il n’y a donc pas de confusion dans la compréhension des mots employés…

 

Le Rwanda a entamé la « Réconciliation et l’Unité Nationale »…une chose est certaine, les rescapés rencontrés, tout en étant lucides sur la fragilité du « calme de l’instant », ont une conscience aiguë du « Pardon ».

 

(1*) : Un rapport datant de juillet 2000 établi par le « Statistics Department of Rwanda’s Ministry of Finance and Economic Planning » conclu que les horreurs du génocide de 1994 ont largement affecté une grande partie de la population impactant sévèrement la santé mentale des acteurs et des survivants. Si les maladies psychiatriques ne sont pas exprimées en données statistiques, en revanche ce rapport fait état des traumatismes subis par les enfants Rwandais  survivants:

 

99% des enfants ont été témoin de violence.

79% des enfants ont directement été impacté par la mort d’un proche au sein de leur famille.

70% des enfants ont été témoin d’un meurtre ou de tentative de meurtre.

61,5% des enfants ont été menacé de mort (arme à feu sur la tempe, machette sur la nuque…)

90,6%des enfants ont pensé qu’ils allaient mourir.

57,7% des enfants  ont été témoins de meurtres barbares commis à la machette.

31,4% des enfants ont été témoins de viols (souvent commis à l’encontre de leur mère, ou sœur ou frère...)

87,5% des enfants ont vu des cadavres ou des corps démembrés.

 

(2*) : 6 avril 1994, les massacres commencent à Kigali et vont rapidement s’étendre à tout le pays. A cette époque les caméras  occidentales sont braquées sur l’interminable siège de Sarajevo. Seuls quelques grands quotidiens Belges et Français (le Monde, Libé..) relayant l’AFP et Reuters, alerteront l’opinion publique  sans grands échos.

 Il faudra attendre le déploiement de 2500 militaires Français en Juin 94 pour que les télévisions parlent de l’ « Opération Turquoise » qui a pour but de créer un couloir  humanitaire.

 Les images sont terribles : c’est l’Afrique cataclysmique, le « Dark Continent » qui retombe dans ses travers habituels des guères civiles ; c’est  un incessant exode de pauvres gens marchant vers des camps de réfugiés installés dans la hâte par le HCR, dans le secteur de Goma, province Congolaise du Kivu.

 Balluchons et meubles sur le dos, tôles ondulées sur la tête ; la tôle ondulée est une richesse en Afrique ! Des cohortes de dizaine de milliers de Rwandais fuient ce qu’on appelle encore à ce moment-là, la guerre civile du Rwanda.

 

 Devant ces images de misère, face à l’horreur des camps où  l’on meure de Choléra , de dysenterie et de règlement de comptes, la France s’émeut et se prend de compassion pour ce désastre humanitaire.

Une grande confusion naît  alors dans les esprits, quelques semaines supplémentaires seront nécessaires pour comprendre que les tôles ondulées et les meubles abandonnés précipitamment dans les fossés, sont les produits de pillage, et que les fuyards sont en grande partie des « génocidaires » laissant derrière eux un million de morts sur les collines du Rwanda !

L’ « Opération Turquoise »  considérée par le gouvernement de Paul Kagamé comme une forme de complicité de la France dans la protection des fuyards, donc des « génocidaire s», aura vraisemblablement permis d’éviter un massacre d’une plus grande ampleur, une partie du FPR « libérant » le pays avait soif de revanche…

 

(3*) : Soutien des USA et du Royaume Uni. Le Rwanda appartient maintenant au « Commonwealth »

  



02/10/2012
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