Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Nicaragua 8, San Carlos,le sud, au bout du monde: "los Guatuzos"

Nicaragua 8,

 

 

 

 

 

San Carlos, le  sud, au bout du monde :

 

 

 

 

« los Guatuzos »

 

 

 

 

Granada, 4 heures du matin.

 

 

 

Debout aux aurores pour pouvoir tracer dans la journée le trajet qui nous mènera au sud du lac, à San Carlos.

 

 

 

Trois bus plus tard, un peu cassés, comme le sont les rues du port de San Carlos, nous atteindrons la petite ville far-West.

 

 

 

 

Trimballés debout durant les quatre dernières heures de route,  faute de place, l’ultime  bus nous a achevé, mais nous découvrons avec bonheur, sous un soleil blanc, les eaux limoneuses du Rio San Juan venues se mêler  aux vagues bleutées du lac Nicaragua.

 

 

 

 

Atmosphère de ville oubliée.

 

 

 

Lanchas amarrées à de solides pontons, hôtels  sous tôles ondulées, balcons de bois aux étages,  chambres rustiques  aux cloisons de planches mal ajustées, planchers qui grincent, robinets qui goutent, réservoirs d’eau sur les toits, cris des corneilles, comédores d’où s’échappent d’alléchantes saveurs de cochon rôti et de poissons grillés, viande qui sèche sur du fil à linge, quelques mouches, canettes de bière « Tonia »  encombrant des tables un peu bancales…

 

 

Voilà pour le décor !

 

 

 

 

Pas de saloon mais des « bandits manchots »  dans des salles de jeux. Décor de western Nica !

 

 

 

 

Et la sueur qui perle.

 

 

 

 Vendeurs ambulants harnachés de ceintures de cuir empilées à l’épaule,  colliers de grosses montres étincelantes ballants  autour du cou, collections de lunettes de soleil fixées sur des panneaux de carton.

 

 

 

inlassablement ils sillonnent  la place en quête d’amateurs de clinquant.

 

 

 

Et puis, enflé, vagabond, nourricier... Le fleuve :

 

 

Lenteur envoutante, torpeur magnétique sous les tropiques.

 

 

Large et calme…Les courbes des rives d’un vert intense s’enfuient dans la selva, jungle tropicale.

 

 

 

Au confluent du Rio San juan et du Rio Frio, les  taches blanches des hérons postés dans la vase semblent indiquer la route de la frontera.

 

 

 

Il y a comme un parfum  d’Afrique  sous ces lumières qui virent du bleu au gris en un instant !

 

Nous venons de changer de continent.

 

 

 

Western Africain !

 

 

 

En face, le Costa Rica. Tout proche.

 

 

 

Moiteur, chaleur, averses soudaines.

 

S’assoir quelque part, ne plus bouger, suivre le courant presqu’immobile du  rio San Juan qui s’éloigne vers la côte Caraïbe.

 

 

De la gentillesse dans le regard des gens, un accueil sincère sans fioriture ni calcul.

 

 

 

 Ici, commence la fin du monde dit-on !

 

On en n’est pas sûr, mais devant nous la naissance d’un fleuve mythique fascine !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Là où le soleil s’en va à l’Est, vers des refuges de vie insoupçonnée, foisonne une opulente nature qui résiste à la marée touristique :

 

 

« Los Guatuzos ».

 

 

 

 

 À une demi-journée de bateau à fond plat, s’étend sur  plus de 400 km2 au sud du lac un cadeau du Bon Dieu !

 

 

 

 

C’est une réserve « biosphère » hébergeant de nombreux écosystèmes, vaste étendue de lagunes, forêts humides, plantations de cacaotiers, veinés d’un important chevelu de rios pénétrant  la mangrove et les herbes aquatiques.

 

 

 

 

Sur ces espaces naturels, les lanchas permettent  la remontée du rio Papaturro  conduisant à une communauté de près de trois mille âmes qui pour seul luxe partage la vitalité luxuriante d’une nature préservée.

 

 

 

Il n’y a pas de village à proprement parler, les habitations s’éparpillent le long de chemins de terre à proximité des rios.

 

 

 

 

L’électricité, contingentée, est fournie par des panneaux solaires, l’eau est facilement récupérée par l’abondance des pluies.

 

 

On élève des cochons, des poules et des vaches.

 

 

 

Quelques zones de pâturages sont admises et si des parcelles sont cultivées pour produire le haricot, le programme de reforestation en cours, demeure la priorité du moment.

 

 

 

 

 La communauté de Papaturro vit à moins de 4 km du Costa Rica.

 

 

Le point frontière, modeste cabane, est théorique, et le commerce s’installe en bon entendement entre les deux voisins sous l’œil endormi des officiers de l’immigration qui patrouillent le long des rios.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous allons passer quatre jours dans cet univers tropical à la découverte d’une faune d’exception, à condition d’avoir l’œil, et autant dire que nous ne traversons pas un zoo, un grand nombre d’espèces animales n’attendent pas vraiment la caméra du voyageur.

 

 

 

 

Plus de 370 oiseaux sont recensés, nous en verrons quelques-uns, et c’est suffisant pour trouver leur ballet magnifique.

 

 

 

La ballade en kayak sur le rio fait côtoyer les tortues, caïmans, iguanes, singes hurleurs, capucins et de splendides papillons.

 

 

 

Les moustiques et les fourmis sont aussi au rendez-vous…

 

 

 

Arbres gigantesques, orchidées, végétation en croissance permanente et faune extrêmement diversifiée font de «  los Guatuzos » une des réserves les plus remarquables d’Amérique centrale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Sur la lancha qui nous menait à la  réserve nous  avons rencontré une espèce plus rare en provenance  de Los Angeles.

 

 

 

 Il se nomme Gerry, avoue quarante ans, ancien de la Navy US, taillé comme un G.I., accompagné de sa compagne Vénézuélienne Ranie

 

 

 

Le couple trimballe de lourds sacs boudins militaires plein à ras bord de jouets pour enfants, poupées, dinettes, petites voitures, le tout récolté sur le marché d’occasion.

 

 

 

 

Gerry se dit être sous contrat avec l’armée.

 

 

À quarante ans il faut comprendre qu’il bosse pour une société privée qui sait faire la guerre.

 

 

 Ancien d’Afghanistan et d’Irak, il oublie le treillis un moment pour faire le père Noël à Papaturro :

 

 

Durant deux jours, avec l’aide de paysans  de la communauté, comme un gros nounours, à dos de cheval avec Ranie, il va faire le tour des popotes et assurer la distribution des cadeaux.

 

 

 

 

Un grand moment de joie pour les gamins de la communauté !

 

 

 

Gerry regrette de ne pas pouvoir offrir des jeux vidéo, car pense-t-il, c’est un bon moyen de faire baisser la violence, parole de G.I.!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Papaturro les enfants sont d’un grand calme…

 

 

Aussi calme que les iguanes paressant sur les branches des arbres qui touchent le ciel !

 

 

 

« Los Guatuzos », un moment de paradis niché sur les rives du lac Nicaragua !

 

 

 

 

L’envers du décor :

 

 

Le lac Nicaragua en danger ?

 

 

 

 

Un projet pharaonique de percement d’un canal entre les deux océans a été « validé »  en juin 2013.

 

 

 

L’Assemblée Nationale du Nicaragua  a accordé à un entrepreneur chinois une concession de 50 ans, renouvelable pour 50 années supplémentaires pour la réalisation du « chantier », dont le territoire sera considéré « zona franca »,  zone internationale libre d’impôt.

 

 

 

La mise en place  de cette concession a été établie en catimini sans aucun appel d’offres public.

 

 

 

 Le lac risque de disparaître en tant qu'importante source d'eau potable, au détriment des riverains, pauvres et nombreux.

 

 

Des populations devront être déplacées :

 

 

30.000 paysans, parmi lesquels des indigènes Ramas et Nahuas, qui habitent sur le tracé du futur canal, malgré leurs dizaines de plaintes déposées en justice qui n'ont jamais abouti.

 

 

 

 

Barrage pour maintenir un niveau d’eau constant, assèchement du rio San Juan, risque de salinisation de l’eau du lac, autant d’interrogations qui ne semblent pas émouvoir les autorités en place !

 

 

 

 

Jacobo Sánchez, ancien directeur du Couloir biologique de Mésoamérique au Nicaragua ne croit pas à l'achèvement des travaux et il s'alarme quant aux conséquences :

 

 

« Attention ! On risque de finir sans canal et sans lac ».

 

 

 

 

Pour bien comprendre les enjeux, ci-dessous l’article affuté  de Fabrice Nicolino publié dans Charlie en juin 2015:

 

 

 

 

 

 

 

 La plume acérée de Nicolino met en relief les défis irresponsables d’une telle  entreprise et les véritables intérêts des parties en présence.

 

 

 

 Aux dernières nouvelles le projet aurait pris du plomb dans l’aile, les produits boursiers de l’investisseur de Pékin s’étant brutalement effondrés…affaire à suivre !

 

 

 

 

 Les anciens Sandinistes à l’assaut du lac Nicaragua

 

 

 

Mercredi 1er juillet 2015 Charlie Hebdo N° 1196 du 24 juin 2015.

 

 

Par Fabrice Nicolino

 

 

 

 

L’ancien guérillero de 1979, Daniel Ortega, pourri par le fric et le pouvoir, vient de vendre son pays, le Nicaragua. Les Chinois vont-ils réussir à percer un canal permettant le passage de tankers de 250 000 tonnes ?

 

 

Au passage, la forêt tropicale et l’immense lac Cocibolca seraient sacrifiés.

 

 

 

 

Un canal géant en travers du Nicaragua, pour doubler celui du Panamá. Le plus gros chantier sur Terre a ouvert ses portes en décembre et s’apprête à dévaster ce petit pays magique d’Amérique centrale.

 

 

 

 

Des dizaines de manifs de protestation ont eu lieu depuis un an, et la plus récente – samedi 13 juin – a rassemblé des milliers de personnes dans la ville de Juigalpa.

 

 

 

 

Pour ceux qui connaissent, le Nicaragua est l’un des territoires les plus fabuleux de la planète :

 

Deux océans, un lac immensément étiré, des volcans, une vraie forêt tropicale, des Indiens qui parlent miskito, des Blacks qui pratiquent l’anglais, des métis qui se contentent de l’espagnol.

 

 

 

 

 

En 1979, une bande de jeunes freluquets – le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) – fout dehors le dictateur Anastasio Domoza Debayle après une guerre civile qui détruit une partie du pays.

 

 

 

 

Le FLSN est castriste et ne plaisante pas avec l’orthodoxie.

 

 

 

 

Année après année, le Front perd certains de ses meilleurs soutiens et se met à la botte des frangins Ortega.

 

 

 

Daniel devient chef de l’État et Humberto, général en chef de l’armée.

 

 

 

Chassé par les urnes en 1990, Ortega revient au pouvoir en 2007 et depuis n’en bouge plus.

 

 

 

L’ancien guérillero est devenu un vulgaire satrape qui s’en met plein les fouilles et bâillonne l’opposition de mille manières (en espagnol, le site du quotidien Confidencial).

 

 

 

 

Ortega a placé toute sa famille, femme, filles et fils, à des postes officiels, et son clan possède hôtels, chaînes de télé, commerces et terres agricoles.

 

 

 

 

Mais ainsi qu’on sait, les goinfres ne s’arrêtent jamais.

 

 

 

 

 

En 2013, Ortega décide seul, sans même un appel d’offres, la signature d’un contrat foldingue avec un Chinois inconnu au bataillon, un certain Wang Jing.

 

 

 

 

Il s’agit de changer à jamais la structure physique du Nicaragua en le barrant d’un canal géant qui réunirait l’Atlantique au Pacifique, via le lac Nicaragua, immense étendue – plus de 8 000 km² - que les conquistadors d’il y a cinq cents ans appelaient la Mar Dulce, la mer douce, et les Indiens, Cocibolca.

 

 

 

 

 

Un nouveau canal dans l’isthme centraméricain ? Celui de Panamá, quelques centaines de kilomètres au sud, serait saturé, et les grands siphonnés de l’économie mondialisée rêvent de faire passer des porte-conteneurs de plus en plus géants, dépassant les 250 000 tonnes.

 

 

 

 

Le coût annoncé – 30 milliards d’euros – fait ricaner les connaisseurs, qui misent sur 60 et jusqu’à 100 milliards.

 

 

 

 

Combien pour les poches sans fond des Ortega ?

 

 

Poser la question est déjà une offense à chef d’État, mais une telle opacité doit bien peser des dizaines de millions de dollars.

 

 

 

A-t-on fait quelques études de faisabilité ?

 

 

 

 

À quoi bon quand on est dictateur ?

 

 

Or le tracé à travers le lac – 105 km - pose à lui seul des problèmes colossaux, car la profondeur des eaux est souvent inférieure à 10 mètres, très loin des 27 à 30 mètres nécessaires.

 

 

 

 

En clair, il faudra draguer des millions, peut-être des dizaines de millions de tonnes de sédiments dont le déplacement ruinerait l’écosystème du lac, de loin la plus grande réserve d’eau douce de toute la région comprise entre le sud du Mexique et le Panamá.

 

 

 

 

Mais au fait, qui est ce Wang Jing ?

 

 

En Chine, il est pratiquement inconnu, mais il aurait fait fortune dans les télécoms, sans avoir la moindre expérience dans le domaine des grands chantiers.

 

 

 

 

À Managua, capitale du Nicaragua, on se demande si le monsieur ne serait pas en service commandé pour le compte de la haute hiérarchie chinoise.

 

 

 

 

Dans cette hypothèse, la Chine, poursuivant ses rêves d’expansion, trouverait là une chance historique de prendre pied sur le continent américain tout en contrôlant une partie stratégique du commerce mondial.

 

 

 

 

 

Autre thèse, également débattue chez les opposants :

 

 

Le chantier, pourtant en pleine activité, serait un rideau de fumée derrière lequel le clan Ortega chercherait à exproprier à son seul profit des pans entiers territoire.

 

 

 

 

On peut aussi imaginer un mélange des deux, l’essentiel restant le pognon.

 

 

 

 

À quand un soutien français, dans la rue, avec les Luchadores du Nicaragua ?

 

 



25/12/2015
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