Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Cambodge 4, Sous la jungle, la pierre ciselée...

Cambodge 4,

 

 

Sous la jungle, la pierre ciselée…

 

 

"Banteay Srei""La citadelle des femmes"

 

 

 

 

Le départ eut lieu un vendredi 13.

 

Sur un grand bateau au nom prédestiné : L'Angkor.

Quand Clara et André embarquent à Marseille, en ce mois d'octobre 1923, pour partir à la conquête de l'Asie, les deux jeunes amoureux rêvent déjà de chasse aux trésors.

 

Quelques semaines auparavant, André a exposé son plan à Clara, plutôt dubitative :

 

 

 

 « Du Siam au Cambodge, le long de la voie royale qui va de Dangrek à Angkor, il y a de grands temples, ceux qui ont été repérés et décrits dans l'Inventaire, mais il y en a sûrement d'autres, encore inconnus aujourd'hui...

 

Nous allons dans quelques petits temples du Cambodge, nous enlevons quelques statues, nous les vendons en Amérique, ce qui nous permettra de vivre ensuite tranquillement pendant deux à trois ans. »

 

 

Thierry Leclère, « Les sourires d'Angkor », Télérama.

 

 

 

S’il fallait en choisir un, un seul... ce serait celui-là.

 

Mon préféré.

 

Nous avons quitté la guesthouse très tôt ce matin, vers 4h 30, pour nous glisser sous la bâche d’un tuck tuck roulant sans lumière vers les temples.

 

Une longue route nous attend dans la fraîcheur matinale de la forêt d’Angkor éclairée par une lune ronde et blanche.

 

Nous serons peut être les premiers de la matinée à contempler le temple.

 

Le soleil de l’aube va bientôt colorer de rose orangé les grès et la latérite ciselés comme un chef d’œuvre.

 

Banteay Srei est fait pour séduire et défier le temps : harmonie méticuleuse des proportions, finesse des détails, regards vivants des Apsaras…

 

Mille ans après, la magie des pierres nous atteint toujours…

 

Ces pierres l’ont fasciné.

 

L’élégance des somptueux frontons sculptés et la richesse exceptionnelle des ornements l’ont rendu fou…

Il allait perdre la tête au point de devenir voleur, pilleur diront certains…

 

Les Apsaras, danseuses ensorceleuses, si bien taillées dans la matière, lui jetèrent un sort en cette année de 1923, au point de commettre l’impardonnable :

 

En compagnie de Khmers rétribués, et à l’aide de scies égoïnes, des bas-reliefs seront découpés et des statuettes descellées...

 

Le tout emballé pour descendre le fleuve jusqu’à Phnom Penh.

 

Emporté par sa passion (…et son besoin d’argent ?), espérant sans doute, que ce temple en ruine, dévoré par la luxuriance de la végétation, serait peu connu des autorités de l’époque, le jeune archéologue esthète pensait donc pouvoir sans malice ramener ses trésors à Paris.

 

 

L’histoire en décida autrement ; Rattrapé par la patrouille, celui qui allait devenir des années plus tard Ministre  la culture sous De Gaulle, sera condamné et assigné à résidence dans la capitale Cambodgienne…

 

 

 À Paris, Clara ameutera une "dream team" d’intellectuels faisant autorité, et sauvera son amoureux de la mauvaise passe tropicale. De la prison ferme transformée en sursis, il ne s’en sortira pas trop mal!

 

 

Depuis les statues et bas-reliefs ont retrouvé leur emplacement initial.

 

Dès l'aurore nous marchons dans les pas d’André Malraux, seuls ou presque…

 

Notre arrivée extrêmement matinale nous récompense, le soleil se lève sur Banteay Srei et inonde de lumière ce petit temple, véritable joyaux de l’art Khmer.

 

 

Documenté grâce à la Bibliothèque Nationale, Malraux, le jeune archéologue qu’il était, s’empara des travaux d’Henri Parmentier qui prétendait qu’une période de l’art Khmer avait vu le jour bien avant l’avènement d’Angor Vat.

 

 

Malraux le fouineur avait vu juste, …Et Parmentier avait raison.

 

La mise en lumière de Banteay Srei allait devenir un événement.

 

Banteay Srei signifie la « citadelle des femmes ».

 

L’édification du temple débuta en 967, cinq siècles avant la pose de la première dalle d’Angkor Vat ; la légende prétend que seules des mains de femmes ont pu sculpter cette fragile dentelle dans le grès.

 

 

Quand aux mains voleuses de Malraux, elles auront permis probablement d’attirer l’attention des conservateurs de l’École Française d’Extrême Orient, qui rendirent au temple prisonnier de la jungle, sa noblesse oubliée.

 

 

Plus tard, Malraux, s’inspirant de sa rocambolesque aventure Indochinoise, écrira « La voie Royale ».

 

 

Non loin de Banteay Srei coulent les eaux pures de la rivière « aux mille lingas ».

 

Dans une jungle dense et sous une chaleur qui n’épargne pas le marcheur, il faut arpenter un dénivelé sévère qui mène à la source: les roches granitiques du lit de la rivière ont été sculptées afin de bénir les eaux avant qu’elles n’atteignent la cité royale d’Angkor.

 

Il y a du mysticisme dans cet endroit perdu à deux bonnes heures d’Angkor Vat.

 

L’histoire ne dit pas si André Malraux eût le temps de se rafraîchir à la source.

 

Sur la route du retour, nous ferons l’arrêt à l’hôpital pour enfants de Siem Reap.

 

Nous allégeons nos sacs en cédant avec bonheur notre « pharmacie » tropicale devenue inutile là où nous allons.

 

 

Les médecins sauront en faire un bon usage dans ce pays où les enfants sont souvent les premières victimes de la pauvreté.

 

 

 



28/03/2013
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